Design pédagogique et IA : innover dans la formation de demain
Une anecdote de cours : l’utilisation de ChatGPT dans un rendu étudiant
L’autre jour, je me plonge dans les rendus de mes étudiant·es en licence pro. Je donne cours sur un module d’initiation à l’UX design : 8 petites heures, découpées en deux sessions de 4 heures. Mon objectif ? Les amener à comprendre les bases en audit UX et création de wireframes. Le travail pratique (TP) consistait à concevoir les wireframes d’une page d’accueil et d’une page produit, réaliser un audit, et présenter le tout dans un document propre et pro, comme si c’était pour un vrai client – en l’occurrence, moi.
Mes cours, je les anime façon workshop, avec une intro théorique assez rapide (40 minutes max, sinon on se perd tou·tes en chemin). Ensuite, on bosse ensemble : je les aide à trouver des idées, on fait l’audit en groupe, on cogite sur les wireframes en co-construction. À la fin, ils peaufinent leur rendu chez eux avec des consignes bien claires pour avoir un livrable digne de ce nom.
La découverte d’un rendu… impeccable 👀
En corrigeant, une copie attire immédiatement mon attention. Tout est parfait : une mise en page nickel, des phrases claires et bien tournées, et une présentation au cordeau. Forcément, je reconnais le travail du groupe de filles qui avait été super impliqué pendant les sessions.
Mais voilà, je ne suis pas dupe ! Et je capte direct la touche « IA » : elles avaient utilisé ChatGPT pour rédiger leur rendu. Dilemme : dois-je les blâmer pour avoir « triché » ou les féliciter pour avoir si bien exploité l’outil ?
Le gap entre les étudiant·es
Ce cas illustre bien un problème récurrent dans mes classes : un fossé se creuse entre ceux qui maîtrisent l’intelligence artificielle (ou au moins s’y essayent) et ceux qui s’en tiennent éloignés, par choix ou par manque d’aisance. D’un côté, il y a les étudiant·es qui exploitent l’IA pour structurer leurs idées ou enrichir leurs rendus. De l’autre, il y a ceux qui n’osent pas, ne savent pas, ou ne perçoivent pas l’intérêt.
Les risques engendrés par l’IA
Les dangers, eux, sont bien réels :
- Perte de réflexion personnelle : si on se repose trop dessus, on arrête de réfléchir. Les étudiant·es risquent de perdre leur esprit critique, et ça, ça me casse vraiment les rouleaux.
- Uniformisation des idées : l’IA produit des contenus “propres”, mais souvent formatés. Où est passée l’originalité ?
- Erreur et désinformation : l’IA n’est pas infaillible et peut générer des erreurs ou des informations biaisées. Et franchement, croire que ChatGPT sait mieux que ton prof, c’est se tirer une balle dans le pied.
- Développer la “flemme” de faire un effort à chercher, rédiger,…on prend vite goût à ce que tout soit servie sur un plateau d’argent 😉
Ce que l’IA peut nous apporter
Là où l’IA excelle, c’est pour :
- Gagner du temps : pour organiser ses idées, proposer une structure ou débloquer un point technique.
- Stimuler la créativité : elle peut donner des pistes auxquelles on n’aurait pas pensé, mais à condition de s’en servir comme tremplin, pas comme béquille.
- Favoriser l’accessibilité : Pour les étudiant·es ayant des troubles dys ou des difficultés rédactionnelles, l’IA peut être une aide précieuse.
Comment intégrer l’intelligence artificielle dans la pédagogie.
Au lieu de bannir l’IA, je l’intègre comme un outil dans ma pédagogie, tout en mettant l’accent sur l’effort individuel et collectif. Voici les étapes que j’utilise pour guider mes étudiant·es vers une utilisation responsable et productive de l’IA :
- Démarrage en classe sans IA. Pendant les workshops, les étudiant·es débutent leur travail en ma présence. Ensemble, nous concevons leur audit, planifions leurs wireframes et réfléchissons aux fonctionnalités clés. À ce stade, l’IA est délibérément exclue pour encourager une réflexion autonome.
- Travail collaboratif et intelligence collective. Je privilégie les échanges en petits groupes (îlots collaboratifs), avec des outils physiques comme des post-it, des feutres et des feuilles blanches pour stimuler la créativité. Les étudiant·es brainstorment, expliquent leurs choix à l’oral et discutent avec d’autres groupes pour identifier des problématiques et co-concevoir des solutions. Cette méthode développe l’intelligence collective et la capacité à poser les bonnes questions.
- Consignes détaillées pour la maison. Une fois les bases posées, les étudiant·es reçoivent des consignes claires pour finaliser leur travail à domicile. Ces consignes incluent un plan précis, des exemples concrets et des opportunités de bonus pour récompenser la créativité et les approches innovantes.
- Journal de bord. Chaque étudiant·e tient un journal de bord où il·elle documente ses choix, son rôle dans le groupe, les étapes de collaboration, ainsi que l’utilisation (ou non) de l’IA. Ce suivi détaillé permet d’évaluer le processus autant que le produit final.
- Encourager l’originalité. Pour valoriser la créativité, j’attribue des points bonus aux étudiant·es qui proposent des ajouts originaux, des idées nouvelles ou des solutions audacieuses, même si elles ne sont pas parfaites.
Le rôle crucial de l’accompagnement
Dans mon expérience, ce qui manque souvent, c’est un accompagnement clair pour tous les étudiant·es. Si on ne les guide pas dans l’utilisation de l’IA, on laisse la porte ouverte à deux dangers :
- Une fracture numérique entre ceux qui savent utiliser ces outils et ceux qui n’y arrivent pas.
- Une perte de pensée critique chez ceux qui se reposent trop dessus sans développer leur propre réflexion.
L’intelligence artificielle (IA) transforme nos façons d’enseigner et d’apprendre. Associée à des approches innovantes en design pédagogique, elle ouvre des perspectives inédites pour la formation. Mais comment intégrer ces outils sans perdre de vue l’essentiel : l’humain ?
Les enjeux pour les profs
Nous avons un rôle crucial :
- Éduquer à l’utilisation responsable : l’IA doit être enseignée comme un outil, avec ses forces et ses limites.
- Encourager l’esprit critique : montrer que l’IA, aussi performante soit-elle, n’est qu’une machine qui ne comprend pas le contexte ou la nuance.
- Adapter nos méthodes d’évaluation : privilégier les processus (comment l’étudiant·e a travaillé) plutôt que le produit final.
- Aider à développer la pensée divergente : concept clé dans le domaine de l’innovation pédagogique, car elle encourage la créativité, la flexibilité mentale et la recherche de nouvelles idées.
Conclusion : l’IA comme alliée, pas comme menace
Mon rôle, en tant qu’intervenante en UX/UI design à l’université, c’est de former des étudiant·es qui savent exploiter les outils modernes sans perdre leur créativité ni leur esprit critique. L’IA est un levier formidable, mais elle doit rester un outil au service de leur intelligence, et non l’inverse.
Les filles de ce groupe ont prouvé qu’il était possible d’utiliser ChatGPT de manière intelligente, et c’est exactement cette approche que je veux valoriser et transmettre à mes étudiant·es.
Lorsque je transmets mes connaissance à nos futurs leaders, je me sens investie d’une mission : accompagner cette génération à tirer le meilleur de l’IA, tout en cultivant ce qui les rend uniques. Parce qu’au final, ce n’est pas l’outil qui compte, mais ce qu’on choisit d’en faire.
Petite note personnelle
Cet article a été rédigé « à l’arrache » sur Google Form, avec ma propre intelligence, en partageant mon expérience personnelle brute. Je suis revenue plusieurs fois dessus pour ajouter et modifier le contenu. L’IA s’est ensuite chargée de corriger, structurer et peaufiner la version finale pour une lecture fluide et agréable – parce que, soyons honnêtes, une bonne expérience utilisateur, c’est la base ! 😉